Ainsi le Soleil semble siéger sur son trône royal, régnant sur sa progéniture, les planètes qui tournent autour de lui. Nicolas Copernic.

Après une première nuit des étoiles marquante et un retour sur le matériel dont je disposais depuis peu, je reviens aujourd’hui sur mes premières observations de 2017 avec un nouvel article et plus de détails sur les objets visibles en ville. Car il existe bien une astronomie citadine accessible depuis nos appartements, une astronomie certes très limitée et principalement planétaire, mais non dénuée de plaisir et de découvertes.

Alors malgré le halo de pollution lumineuse de nos cités, malgré les rues bondées illuminant les quartiers, malgré le tumulte et la frénésie n’inspirant guère cette activité solitaire et nocturne, vous l’astronome en devenir, vous savez que les quelques points brillants dans le ciel sont autant de mondes qui vous attendent aux confins de notre système solaire et c’est à l’aide de jumelles, d’une lunette, ou d’un petit télescope qu’il vous sera possible d’établir ce premier contact avec l’astronomie amateur. Habiter en ville ne doit pas vous décourager, c’est même un bon moyen d’appréhender lentement les nombreuses notions à assimiler.

Grâce à l’éclat de majestueuses planètes, nous verrons comment démarrer ce voyage astronomique dans l’attente de sorties sous des cieux plus propices et à la recherche d’objets lointains plus discrets. Nous verrons également qu’il est possible de capturer quelques images de vos observations. Mais avant cela, familiarisons-nous avec la notion de magnitude apparente et de pollution lumineuse. Ces réalités physiques nous expliquent pourquoi le catalogue Messier devra attendre les nuits fraîches à la campagne loin de toutes perturbations.


Magnitude apparente

La magnitude apparente est une mesure de la luminosité ou plus précisément de l’irradiance (quantification de la puissance d’un rayonnement électromagnétique) d’un objet céleste que l’on observe depuis la Terre et dans différents spectres (ultraviolet, lumière visible, infrarouge). La magnitude apparente est définie suivant une échelle, et nous utiliserons ici l’échelle de magnitude visuelle (spectre de lumière visible) pour parler de l’intensité (éclat) d’une étoile, d’une planète ou d’un corps en général dans la voûte céleste.

L’échelle de magnitude visuelle est de type logarithmique inverse, c’est-à-dire que la magnitude augmente d’une unité lorsque l’irradiance est divisée par environ 2,5. Plus un objet est brillant, plus sa magnitude est faible, voire négative. Ce n’est pas très instinctif et il faut un moment pour s’y faire (voir table d’objets notables). Vous trouverez dans tous les bons guides ou logiciels d’astronomie la magnitude de l’objet que vous souhaitez observer.

Nous verrons que la pollution lumineuse affecte lourdement le nombre d’objets visibles, la lumière artificielle de nos villes occultant ceux à la plus faible luminosité (ou à la magnitude visuelle la plus élevée). Nous parlerons de magnitude visuelle atteignable pour quantifier le nombre d’objets visibles et donc pour qualifier un ciel plus ou moins affecté par la pollution lumineuse. Nous constaterons que seuls les corps les plus brillants (ou à la magnitude visuelle la plus basse) nous sont accessibles en milieu urbain.

Magnitude Objet céleste
−26,7 Soleil
−12,6 Pleine Lune
−8,4 Flash Iridium
−7,5 Supernova la plus brillante : SN 1006 (en l’an 1006)
−5,3 Station spatiale internationale pleinement éclairée
−4,6 Venus (La planète la plus brillante)
−2,9 Mars et Jupiter
−1,9 Mercure
−1,5 Sirius (Une des étoiles les plus brillante)
−0,7 Canopus (Une des étoiles les plus brillante)
0,0 Véga (L’étoile la plus brillante)
+0,4 Saturne
+0,9 Galaxie la plus brillante (Le grand Nuage de Magellan)
+1,0 Nébuleuse la plus brillante (La nébuleuse de la Carène)
+2,0 Alpha Ursae Minoris (étoile polaire de l’hémisphère Nord)
+3,4 La Galaxie d’Andromède
+5,3 Uranus
+5,4 Sigma Octantis (étoile polaire de l’hémisphère Sud)
+6,0 Magnitude limite de l’œil nu
+7,8 Neptune
+10 Magnitude limite des jumelles
+12,6 Quasar le plus brillant
+13,7 Pluton
+14 Magnitude limite d’un téléscope de type 200mm
+30 Magnitude limite du télescope spatial Hubble
+34 Magnitude limite attendue du Télescope géant européen (ELT)

Votre instrument a également une limite, il n’est pas inutile de la connaître même si l’observation des planètes est accessible aux instruments les moins sensibles. Avec notre satellite naturel, la Lune (ou Terre 1), les planètes de notre système solaire sont des objets très brillants, pas en eux-mêmes, mais par la lumière du soleil qu’ils réfléchissent en direction de la Terre. La naissance de notre étoile a donné lieu à la formation de planètes, mais c’est aussi grâce à sa lumière que nous pouvons les observer et au passage vivre (ce qui est pratique vous en conviendrez).

La pollution lumineuse

Pour l’astronome, la pollution lumineuse désigne la luminance nocturne du ciel induite par la lumière diffuse ou directe émise par l’éclairage public, les panneaux publicitaires, les enseignes. Cet éclairage artificiel bien souvent non directionnel teinte le ciel nocturne à des dizaines de kilomètres aux alentours d’une capitale, d’une grande ville ou d’une banlieue. Pour exemple, l’observatoire du Pic du Midi qui, malgré son altitude (plus de 2800 mètres) et son isolement est soumis à la pollution lumineuse résiduelle de Toulouse située à presque 200km.

Couleur Légende
Blanc 0–50 étoiles visibles
Magenta 50–200 étoiles visibles
Rouge 100–200 étoiles visibles
Orange 200–250 étoiles visibles
Jaune 250–500 étoiles visibles
Vert 500–1000 étoiles visibles
Cyan 1000–1800 étoiles visibles
Bleu 1800–3000 étoiles visibles
Bleu nuit 3000-5000 étoiles visibles
Noir +5000 étoiles visibles

Grâce à l’association AVEX et au travail de Frédéric Tapissier, des cartes de la pollution lumineuse sont disponibles pour tous. Vous trouvez une carte classique, mais également une carte accentuée pour le domaine de l’astrophotographie. Ces informations précieuses sont disponibles pour les logiciels, Google Map et Google Earth. Comme vous pouvez le voir à Strasbourg, la situation n’est pas des meilleures. En plein dans une zone magenta, seule une cinquantaine d’étoiles apparaissent péniblement et il faut souvent attendre les nuits les plus claires pour contempler quelques constellations. Les emplacements les plus proches pour l’astronomie sont le Hohneck (1363 mètres d’altitude) ou le Champ du Feu (1099 mètres d’altitude).

Magnitude visuelle atteignable

À titre de comparaison et maintenant que nous avons compris le concept de magnitude et de pollution lumineuse, nous pouvons nous servir d’un planétarium tel que SkySafari 5 sur macOS pour simuler la magnitude visuelle de différents emplacements géographiques. À l’aide des cartes d’AVEX en fausse couleur vous pouvez trouver la magnitude atteignable de votre poste d’observation. Gardez à l’esprit que ceci est une simulation et que localement il peut y avoir des variations.

SkySafari permet la prévisualisation de la voûte céleste avec une contrainte de magnitude limite. Vous pouvez voir ici une simulation de mon poste d’observation à Strasbourg dans la bonne orientation et avec une magnitude visuelle limite de +2,5 d’après les estimations des cartes AVEX. Seules les étoiles les plus brillantes et les planètes sont visibles à l’oeil nu.

On change très largement d’ambiance quand on met de la distance entre le point d’observation et les villes les plus proches. Là, une simulation du sommet du Hohneck (à 1363 mètres) avec une magnitude visuelle limite de +6,5. Situation très différente, car en combinant éloignement horizontal et altitude plus élevée c’est entre 1800 et 3000 étoiles qui se laissent voir, la Voie lactée se détache enfin et les objets les plus discrets sont à portée d’instrument.

Observation des planètes

Revenons à présent à notre astronomie citadine planétaire et notre magnitude visuelle limite de +2,5. En observant la table des objets notables, les planètes accessibles depuis une zone fortement urbanisée sont:

Magnitude Objet céleste
−12,6 Pleine Lune
−4,6 Venus (La planète la plus brillante)
−2,9 Mars et Jupiter
−1,9 Mercure
+0,4 Saturne

Cela laisse largement de quoi faire et permet à l’astronome amateur de pratiquer et de débuter sereinement depuis son balcon. Prendre en main son instrument demande de la patience et observer la célèbre tache rouge de jupiter ou les anneaux de saturne procure beaucoup de satisfaction et d’émerveillement tout en étant des cibles faciles à pointer et à suivre. Avec un télescope et une monture de type azimutale, il est même plus évident de suivre les objets du système solaire, car le processus d’alignement s’en trouve simplifié.

Les données de position d’une seule planète ou de la lune en plus de votre localisation sont des informations suffisantes à la monture pour suivre votre cible au cours de sa course sur la voûte céleste. D’autres méthodes d’alignement demandent de pointer plusieurs étoiles ou encore l’étoile Polaire comme point de départ et ce n’est pas forcément chose aisée si le champ n’est pas largement dégagé. Sur un balcon par exemple, la dalle du voisin sera souvent un obstacle.

Premières observations

Durant ces premiers mois de tâtonnement, j’ai essayé de mettre en application ces quelques notions et bien que les images qui vont suivre soient très loin de la perfection, cela vous donnera, j’espère, une idée de ce qu’il est possible d’observer en ville. Vous trouverez des agrandissements, mais également une simulation de ce que l’oeil aperçoit dans l’oculaire. Un des points importants quand l’on débute, c’est d’essayer de se détacher de la notion de grossissement. Nous aimerions tous être au plus proche des objets que l’on vise, mais cela n’est pas tout. Le but premier est de collecter le maximum de lumière avec la meilleure qualité possible, ensuite vient l’agrandissement à l’aide des oculaires ou d’une caméra numérique. Mis à part la lune, les planètes apparaîtront petites dans votre champ, très petites même. Mais les images numériques traduisent mal les sensations de l’observation, la vue à l’oculaire et l’image que l’on capture ensuite sont deux choses bien distinctes.

Aussi en observant au travers d’un oculaire, on peut ressentir la distance de ces mondes lointains, on peut deviner des détails plus fins sur les surfaces ainsi qu’observer leur course. L’image ci-dessus est une compilation de mes premières explorations nocturnes. La lune a été photographiée avec un vieux boîtier d’appareil photo numérique en une seule prise. Les photos de Jupiter et Saturne ont nécessité 100 images empilées provenant d’un capteur CCD, mais l’agrandissement numérique a généré beaucoup de bruit et techniquement je ne suis pas au point. D’autres essais suivront cette année. Cela vous donne néanmoins un premier panorama, un premier aperçu en espérant vous avoir donné envie de vous y essayer.


Conclusions

Démarrer depuis un balcon en ville permet de découvrir les planètes du système solaire et permet de se familiariser avec son instrument dans des conditions confortables.

Quelques liens pour continuer

Je vous propose quelques liens pour celles et ceux qui souhaitent en savoir plus.



Liens :




SkySafari.



Cartes de pollution lumineuse européenne.



Wikipedia: Magnitude apparente.



Article: Maintenant qu’il ne fait plus jamais nuit noire…